mardi, 21 novembre 2006
Casse vu par... Dominique Combaud
Je répondrai par une autre question : par quel heureux concours de circonstance, par quel hasard insensé cette revue a bien pu traverser le pays d'Est en Ouest pour débarquer, un beau matin, dans ma boîte aux lettres ? A vrai dire je ne me souviens plus... j'étais abonné à pas grand-chose, sinon rien, à l'époque, et je me demande encore comment j'ai pu apprendre la naissance de Casse. un vrai mystère et bubblegum !
Eh bien si ! Aussitôt son 21ème numéro/anniversaire il a pris la poudre d'escampette en laissant juste un petit mot sur une étagère de la bibliothèque : « JE ME CASSE ! »
Après de nombreuses années d'absence, le bruit court qu'il serait prochainement de retour, sous une forme ou une autre. Bon, on va lui faire un peu la gueule quelque temps, histoire de bien lui montrer qu'on ne disparaît pas comme ça dans la nature sans aucune explication, puis on lui refera une petite place, bien évidemment !
Dominique Combaud
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lundi, 13 novembre 2006
Casse vu par... Georges Cathalo
Casse : on se retrouvera !
« …c’est fini, mais on se retrouvera ! » : c’est avec cette formule que se terminait l’aventure de la revue CASSE. Dernière ligne du dernier numéro paru, cette apostrophe sonnait comme un avertissement et voici qu’en effet, on se retrouve, 10 ans plus tard, alors que les « technologies nouvelles » ont transformé le paysage de la poésie contemporaine en un vaste bric-à-brac, mais ceci est un autre sujet.
Avec le recul, il est intéressant de se demander où l’on pourrait situer CASSE dans le paysage des revues poétiques de la période 1980/2000 ? Personnellement, je la placerai dans le voisinage immédiat de revues telles LE PILON de Jean-Pierre Lesieur ou encore LA FOIRE A BRAS de Jean-Jacques Reboux. D’autres encore, du même type, pourraient être citées, avec, à leur tête, un revuiste déterminé. Car, même si certaines revues font état d’un solide Comité de Rédaction, la réalité des faits est bien plus cruelle : une revue de poésie c’est presque toujours un revuiste passionné et un seul, obstiné, bosseur, curieux et talentueux. Chacun d’eux apporte une coloration particulière à sa revue car c’est lui et lui seul qui donne le ton de la publication. Ici, Jean-Jacques Nuel, avec des prises de position courageuses et des éditoriaux toniques, avait su s’approprier un territoire reconnaissable.
CASSE est pour moi l’exemple-type de la revue efficace : format A5, ni trop mini ni trop maxi (de 32 à 64 pages), accessible, régulière, lisible, maniable, … De plus, on y trouvait un subtil dosage entre les différentes parties (poèmes, nouvelles, infos, chroniques,…). Après quelques premiers numéros hésitants, CASSE avait trouvé sa bonne carburation à laquelle avaient adhéré plus de 200 abonnés fidèles. Dommage donc que Nuel ait décidé d’en interrompre la publication, mais peut-être la verra-t-on renaître sous une autre forme, et qui sait alors, on se retrouvera…
19:00 Publié dans Historique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, Culture
vendredi, 10 novembre 2006
Casse vu par... Raymond Alcovère
Quelques témoignages de lecteurs ou de collaborateurs de la revue, qui répondent à la question : « Qu’a représenté Casse pour vous ? »
En tant que lecteur j'ai trouvé dans Casse une grande variété de contenu et de styles, et surtout une exigence de qualité. Des textes souvent très courts, ce que j'aime bien (et qui est bien sûr ce qu'il y a de plus difficile à faire). J'aimais bien aussi le format de la revue, simple, familier, son absence de prétention. Cette revue, et en cela elle tranchait dans le paysage de l'époque, paraissait accessible, tout en laissant une impression de qualité et d'exigence.
En tant qu'auteur, j'ai été très heureux d'y publier "Le mystère des cathédrales", une de mes nouvelles préférées de l'époque, qui et je le regrettais n'avait pas trouvé preneur jusque là dans aucune revue. En tant qu'auteur, les rapports avec le revuiste étaient directs, faciles, et rapides, ce qui n'était pas toujours le cas : le plus souvent les réponses tardaient ou étaient inexistantes ; là tout s'est passé le plus simplement et le plus agréablement du monde !
Raymond Alcovère
06:39 Publié dans Historique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, Culture
vendredi, 29 septembre 2006
Casse et la CPPAP
Les lecteurs fidèles de la revue CASSE ont pu suivre durant de longs mois le combat de la revue contre la CPPAP qui refusait de lui accorder un numéro d’inscription. Sans reprendre l’ensemble des développements, nous reproduisons l’édito et l’article parus dans le n° 13-14, alors que le Conseil d’Etat venait de rétablir Casse dans ses droits.
Edito du numéro 13-14
Un sacré numéro !
Ce numéro double de l'été s'ouvre sur une très bonne nouvelle : la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) nous a enfin accordé un numéro d'inscription. Cela va nous permettre de bénéficier des tarifs postaux préférentiels.
Deux ans que nous l'attendions ! Trois demandes refusées par la commission, et un recours devant le Conseil d'Etat qui nous a donné raison, en annulant les décisions de refus. Nos lecteurs trouveront en page 20 le récit complet de cette affaire.
Au-delà de la satisfaction d'avoir eu gain de cause, l'octroi de ce numéro revêt pour nous une double importance.
C'est d'abord pour Casse un formidable encouragement, et l'équivalent d'une subvention, puisque nous allons faire d'importantes économies sur les frais postaux. Cette bouffée d'oxygène va nous permettre de travailler sereinement au développement de la revue.
C'est ensuite une heureuse nouvelle pour tous les revuistes, car l'arrêt du Conseil d'Etat consacre le droit des revues littéraires, sous certaines conditions, de bénéficier des facilités de diffusion accordées à la presse. C'est une chance pour les publications à venir, et une garantie pour les revues en place.
On n'a pas souvent l'occasion de se réjouir, alors ne ratons pas celle-là ! Et bel été à tous !
JJN
Page 20 :
CPPAP, suite et fin ! Nos lecteurs fidèles savent que la revue CASSE s'est vu refuser par 3 fois un numéro d'inscription par la commission paritaire des publications et agences de presse. Ces décisions négatives ont privé Casse des avantages postaux et fiscaux prévus par la réglementation.
La motivation du refus avancée par la commission repose sur l'argument que Casse, qui répond par ailleurs à toutes les prescriptions légales, "ne présente pas un lien suffisant avec l'actualité" et constitue "un recueil de promotion de la littérature".
Casse a décidé d'introduire un recours contre ces décisions devant le Conseil d'Etat le 23 octobre 1993.
Nous avons eu la grande satisfaction d'être suivis dans nos arguments puisque le Conseil d'Etat, par son arrêt en date du 17 mars 1995, a annulé les décisions de la CPPAP.
En voici le passage essentiel:
"Considérant que si la commission paritaire des publications et agences de presse a pu, sans commettre d'erreur de droit, rechercher si la publication Casse présentait par l'ensemble de son contenu un lien suffisant avec l'actualité pour être regardée comme une publication périodique pouvant bénéficier du régime économique de la presse, il résulte des pièces du dossier que les numéros de cette publication littéraire contenant des articles, des poèmes, des entretiens avec des auteurs et écrivains présentaient un tel lien avec l'actualité qui doit être apprécié compte tenu de la nature de la publication en cause; que, par suite, la décision du 24 juin 1993, par laquelle la commission a refusé de délivrer un certificat d'inscription à la publication Casse et la décision du 16 septembre 1993 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision par le motif que cette revue ne présentait pas le caractère d'une publication périodique sont entachées d'excès de pouvoir;
DECIDE:
Article 1 : les décisions de la commission paritaire des publications et agences de presse en date des 24 juin 1993 et 16 septembre 1993 relatives à la publication Casse sont annulées. "
Il est à noter que le Conseil d'Etat a voulu donner une autorité particulière à son jugement, puisqu'il a été rendu en section du contentieux (et non en sous-section), et qu'il sera publié au recueil de jurisprudence Lebon.
Ce jugement confirme qu'une revue littéraire contenant des articles, des poèmes, des entretiens présente un lien suffisant avec l'actualité, laquelle doit être appréciée compte tenu de la nature de la publication.
La revue Casse n'est pas peu fière d'être à l'origine de cette jurisprudence, qui est une avancée et une garantie pour la liberté d'expression, et qui pourra être utilement invoquée par les créateurs de publications. Nous nous serions certes bien passés de ce combat de 2 ans, et du préjudice financier que nous a causé le refus de la commission (10.000 F.) ; nous espérons seulement que notre combat pourra servir à tous les revuistes, présents ou futurs...
in Casse n° 13-14
http://www.cppap.fr/article.php3?id_article=112
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06:30 Publié dans Historique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Littérature, Culture
vendredi, 21 juillet 2006
Tous les collaborateurs de Casse
Raymond Alcovère, Jacques Allemand, Bernard Amblard, Catherine André, Dominique Angel, Jean Atlan, Gilles Bailly, Pierre Barachant, Frédéric Baron, Virginie Barré, Jean-Christophe Belleveaux, Jean Bensimon, Emmanuel Berland, Marc Bernelas, Maryline Bizeul, Pierre-Jean Blazy, Joëlle Brethes, Jean-Pierre Brisset, Eric Brogniet, Carino Bucciarelli, Georges Cathalo, Jean-Jacques Celly, Fabrice Chaplin, Guy Chaty, Jean Chaudier, Georges Chich, Patrick Chouissa, Marie-Josée Christien, Hélène Codjo, Dominique Combaud, Jean-Gabriel Cosculluela, Mireille Coulomb, Roland Counard, Jean-René Dallevard, Olivier Decker, Christian Degoutte, Eric Dejaeger, Cédric Demangeot, Rafael Jose Diaz, Paule Domenech, Monique Duclos Lacheux, David Dumortier, Michel Dunand, Anaïs Escot, Christiane Escot, Jean-Louis Faivre, Patricia Ferlin, Bluma Finkelstein, Patrice Follenfant, Michel Fraisse, Marc Fresneda, Dominique Froloff, Pascale Genevey, Danielle Grondein, Gaspard Hons, Sylvie Huguet, Antoinette Jaume, Josyane de Jésus-Bergey, Zohra Karim, Bernard Kieken, Max Laire, Philippe Landry, Isabelle Lebastard, Michel Leydier, Béatrice Libert, Gabriel Le Gal, Hervé Lesage, Anne Letoré, Driss Louiz, Jean-Luc Lourmière, Jean-Louis Massot, Maximine, Jean-Albert Mazaud, Hervé Merlot, Hervé Mestron, Marie-Jo Molinier, Marie Motay, Odile Namy-Méline, Jean-Jacques Nuel, Armand Olivennes, Stéphane Padovani, Evelyne Parisse, Madeleine Rambaud, Goretti Ramirez, Geneviève Raphanel, Philippe-André Raynaud, Gilbert Renouf, André Rochedy, André Romus, Tristan Sautier, Jacques Simonomis, Joséphin Soulary, Peggy Inès Sultan, Alain Tchungui, Roland Tixier, Françoise Valencien, Marie-Claire Verdure, Nicole Vidal-Chich, Denis Winter.
Illustrations de Michèle Cirès-Brigand, Jean-Luc Coudray, Hubert Francillard, Jacques Lelièvre, Nicolas Nuel.
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L'ours descriptif contenait les informations suivantes :
Revue littéraire (information, création, humeur, humour) bimestrielle publiée par Littera éditeur.
ISSN 1246-4619
CPPAP : 76069
Directeur de publication, rédacteur en chef : Jean-Jacques Nuel.
Collaborateurs : Alain Nizet, Jean-Louis Massot, Françoise Valencien et les amis de l'ombre. Collaboration technique : Nicolas Nuel.
Squatter occasionnel : le chat Grisou et ses puces.Casse : n.f. Sorte de boîte divisée en casiers contenant les caractères d'imprimerie.
n.f. Action de casser, résultat de cette action.
n.m. (argotique) Cambriolage.
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vendredi, 23 juin 2006
Le confidentiel est une impasse
Autocélébration du dernier numéro de la revue Casse
Interview de Jean-Jacques Nuel par Alain Nizet
"Le confidentiel est une impasse."
Dans le dernier numéro de Casse, une longue interview me permettait de faire le point sur cette expérience revuistique. Dix ans plus tard, relisant ces lignes, je ne vois rien à retrancher ni à modifier, si ce n’est l’avis trop favorable que je portais sur Le Matricule des anges, revue alors très ouverte (elle parla d’ailleurs deux fois de Casse) et qui s’est depuis refermée sur une vision sélective et orientée de la littérature.
Alain NIZET : Jean-Jacques, tu as créé en 1993 la revue littéraire Casse. Tu viens de décider de mettre un terme à cette aventure. Fin de partie. Ne vas-tu pas le regretter ?
Jean-Jacques NUEL : Non, la page est tournée. Et quand je dis la page, c'est, avec 21 numéros, environ 800 pages que je laisse derrière moi. Casse m'aura occupé trois ans et demi et apporté bien des joies et des déceptions. J'ai envie maintenant de passer à autre chose et, surtout, de revenir à l'écriture que j'avais complètement abandonnée il y a cinq ans.
A.N. : Casse avait su creuser sa place dans le monde des revues. Quel était son tirage ?
J.J.N. : 400 à 500 exemplaires. Le nombre d'abonnés se situait entre 200 et 250, ce qui est un assez bon résultat pour une revue littéraire. En revanche, les ventes au numéro étaient très faibles, car je manquais de temps pour démarcher les librairies ou participer à des salons du livre.
A.N. : Et cette diffusion te suffisait pour équilibrer le budget ?
J.J.N. : Oui, parfaitement. Ajoutons cependant, pour le chapitre "modicité des dépenses", que j'étais le dactylographe bénévole de la revue et que j'ai fait jouer à fond la concurrence entre les imprimeurs pour retenir le moins cher. Des relations commerciales impitoyables pour permettre à une entreprise désintéressée de survivre...
A.N. : Peut-être as-tu reçu des aides publiques, pour mettre un peu de beurre sur les épinards ?
J.J.N. : Total : zéro. Au départ, il s'agissait d'un choix : j'étais par principe hostile aux subventions. Puis j'ai évolué (il n'y a que les imbéciles qui ne changent jamais). Cette position m'est apparue extrémiste et erronée, improductive. Mais peut-être ne m'a-t-on pas pardonné mes premières idées... J'ai fait deux demandes, l'une au Centre national du livre pour le développement de la revue, l'autre à la Direction régionale des affaires culturelles pour un dossier spécial sur la poésie espagnole des Canaries. Mais on ne m'a rien accordé. Or, si une revue peut tourner sur ses fonds propres en tirant à l'économie, elle ne peut pas se développer sans fonds extérieurs, recettes publicitaires, mécénat ou subventions publiques. Casse était donc vouée à stagner...
A.N. : On dit que Casse est l'œuvre du seul Nuel...
J.J.N. : Matériellement, c'est tout à fait exact : saisie des textes, correction, mise en page, tirage de la maquette, relations avec l'imprimeur, mise sous enveloppes et expédition, réponses aux courriers, et j'en passe, je n'ai pas compté ni ménagé mes heures de travail ! Pour le contenu, j'ai travaillé avec deux collaborateurs réguliers, Françoise Valencien et Jean-Louis Massot, qui écrivaient de nombreuses chroniques et me conseillaient sur le style et l'orientation de la revue. J'avais aussi la chance d'avoir un comité de lecture (que j'appelais "les amis de l'ombre") qui m'aidait pour le choix des textes et les concours.
A.N. : Quelle est l'attitude des auteurs qui démarchent la revue ? Et de ceux qui publient ?
J.J.N. : On est bien obligé, quitte à faire grincer les dents, de déduire d'une longue expérience que l'auteur est en général terriblement amateur et égoïste. Les trois quarts de ce que l'on reçoit est mauvais, et parfois si malsain que cela relève du traitement psychiatrique ! L'auteur est peu informé (malgré les guides qui se sont développés) et continue d'envoyer ses textes à l'aveuglette, comme un chaudronnier qui enverrait son C.V. à une entreprise d'informatique ! Et quand il publie, il croit que tout lui est dû !
A.N. : L'auteur inconnu débutant avait-il une chance de publier dans Casse ?
J.J.N. : Oui, et ma fierté est d'en avoir publié un bon nombre, d'avoir permis ces premières publications qui restent dans la vie des auteurs une date essentielle, émouvante. Quand je sentais un tempérament, une écriture, je donnais une chance à l'auteur, malgré parfois quelques petits défauts de forme. Et cela, aussi bien pour les textes reçus spontanément que pour ceux du concours littéraire.
A.N. : Si tu devais faire le bilan de tes années d'activité (ou d'activisme) dans Casse, qu'est-ce qui l'emporterait ? Les satisfactions ou les ennuis ?
J.J.N. : Les satisfactions, assurément, j'en ai connu beaucoup. La fidélité attentive de nombreux abonnés, avec qui la revue entretenait de véritables échanges épistolaires. L'amitié de certaines revues, qui formaient avec Casse une sorte de famille, une communauté créatrice. Je pense au Cri d'Os, à Rétro-Viseur, au Bord de l'eau... Une de mes plus grandes joies a été la victoire de Casse sur la commission paritaire des publications et agences de presse (cppap). Le jugement définitif du Conseil d'Etat en date du 17 mars 95, rétablissant la revue Casse dans ses droits au régime postal des périodiques, a été non seulement une heureuse nouvelle pour les finances de la revue, mais au-delà, une jurisprudence essentielle pour les petites publications, qui peuvent désormais invoquer ce jugement dans leurs conflits avec l'administration. Pour une fois qu'un combat a été utile et productif, et a permis une avancée significative, tout le monde doit s'en féliciter.
A.N. : Quelles étaient tes relations avec les autres directeurs de revues ?
J.J.N. : L'accueil des autres revues a été divers. J'ai déjà parlé de l'amitié qui me liait à certaines publications. D'autres se contentent d'un silence glacial : elles n'apprécient pas et ignorent, ce qui est au fond l'attitude la plus logique. Enfin quelques-unes attaquent, avec une grande agressivité. Ce peut être parce que les options de Casse leur sont insupportables et qu'elles tiennent à réagir et se démarquer (je le conçois très bien) ; ce peut être aussi pour des motifs douteux et incompréhensibles : ainsi, je n'ai jamais compris pourquoi Décharge s'en est pris à Casse avec autant de violence et de méchanceté.
A.N. : Jacques Morin, responsable de Décharge, jouit pourtant dans le monde des revues d'une réputation extraordinaire.
J.J.N. : Au départ, il a beaucoup soutenu l'entreprise. Mais un jour il a pris la mouche à propos de ma réponse à un article de Claude Vercey, que j'avais jugé par trop complaisant pour l'éditeur Chambelland... Il s'est cru alors autorisé à me donner un "carton jaune", comme s'il était l'arbitre suprême, comme si sa position lui conférait un quelconque droit sur les autres. Puis il a laissé publier une horreur dans Décharge n° 87. Un long article d'Alain Kewes, qui descendait Casse en flammes, avec acharnement, injustice et mauvaise foi, avec même certains propos diffamatoires qui auraient pu faire l'objet de poursuites pénales. J'ai préféré ne pas réagir, pour ne pas ajouter du stérile au stérile, mais je voudrais dire à quel point cet article m'a blessé, découragé, et à quel point Morin m'a déçu pour ce règlement de comptes.
A.N. : Ce n'était pourtant pas lui l'auteur de l'article...
J.J.N. : C'est pareil, car il l'a publié, et ainsi validé. Le règlement de comptes s'est fait par personne interposée, ce qui d'ailleurs n'est pas très courageux.
A.N. : Tu ne vas pas nous dire que c'est à cause de cet article que Casse s'est arrêté ?
J.J.N. : D'une certaine façon, il a été l'un des éléments déclencheurs de ma décision. Il s'est ajouté à d'autres déceptions.
A.N. : Qui sont ?
J.J.N. : D'abord la difficulté de faire décoller Casse et de franchir la barre des 250 abonnés. Il y a ainsi des paliers qui sont très difficiles à dépasser. Et puis, ce fut surtout l'échec dans ma tentative d'améliorer l'image de Casse...
A.N. : A Casse était liée l'image du casseur. On se souvient du "terroriste de réserve"...
J.J.N. : Je crois que Casse a été victime de l'image de ses débuts. Ce "terroriste de réserve" était un bon mot, mais je n'aurais pas dû le mettre systématiquement dans l'ours, à chaque numéro. Ce fut une erreur, l'ambiguïté sémantique du mot « casse » (imprimerie et hold-up) suffisait amplement. Dès le début, j'ai rencontré l'hostilité de deux publics radicalement différents. Les extrémistes reprochaient à Casse de ne pas aller au bout de la critique et de la destruction. Les classiques redoutaient le mélange des genres et l'irruption dans l'univers feutré de la revue littéraire de l'humour et d'une certaine forme de violence verbale... Ce choix de départ, ambivalent, m'a causé bien des torts. Alors qu'au fil des numéros je cherchais à gagner en sérieux et en professionnalisme, on continuait à me coller sur le dos l'image du râleur de service, du révolutionnaire... J'ai compris que, quels que soient mes efforts, je ne parviendrais jamais à renverser l'image. Il valait mieux la saborder, quitte à recommencer autre chose, ailleurs, plus tard.
A.N. : Comment voulais-tu faire évoluer Casse ?
J.J.N. : Je voulais le tirer vers un magazine mêlant information et création, de façon plus professionnelle. J'aurais voulu améliorer l'aspect, la mise en page, changer le format, augmenter la pagination, tirer une couverture en couleur. Cela pour la forme. Et pour le fond, diversifier, en faisant appel à plus de collaborateurs.
A.N. : Avec le recul, comment vois-tu le monde des revues ?
J.J.N. : Ma vision est contrastée. Un microcosme en ébullition, où prédomine le brouillon. On dit souvent que le très grand nombre des revues est une chance. Pour la liberté d'expression et de création, je veux bien le croire, mais cette multiplicité est aussi un handicap. Il vaudrait mieux, pour la promotion de la littérature, 10 revues diffusant à 5000 exemplaires que 300 revues comptant une centaine d'abonnés. Le confidentiel est une impasse. Chaque fois que l'on crée une nouvelle petite revue, on rajoute de l'impuissance à de l'impuissance...
A.N. : Cela me semble très sévère pour ces initiatives qui fonctionnent sur beaucoup de bonne volonté...
J.J.N. : D'accord, le propos est peut-être excessif, mais je ne le crois pas faux. Ce que je veux surtout dénoncer, c'est l'individualisme. Trop d'auteurs ne lisent pas les autres, ne s'abonnent pas aux revues existantes, et pour promouvoir leurs œuvres créent leur propre publication. Cette inflation décourage le lecteur sincère de littérature. Plus fondamentalement, je crois que la faiblesse des revuistes tient dans leur incapacité à se doter d'un organe commun. Il manque vraiment un magazine général, fédérateur, qui informe le public de l'offre et de la créativité des petits éditeurs et des revues. Pour l'heure, on n'a que le morcellement - chacun dans son petit coin jalousant l'autre - de l'énergie qui se disperse ou se contrecarre, mais pas de lieu commun. On a quand même une idée de ce que cela pourrait être avec l'intéressante expérience du Matricule des Anges...
A.N. : En définitive, regrettes-tu cette expérience ?
J.J.N. : Non, toutes les expériences s'ajoutent, rendent lucide et enrichissent. J'ai été auteur, éditeur, auteur-éditeur, critique, animateur de lectures-rencontres, revuiste, et pour finir, je redeviens auteur. La boucle est bouclée. Et je connais bien maintenant tous les aspects du métier.
A.N. : Casse était-il un bon titre ?
J.J.N. : Aucun titre ne fait l'unanimité, mais je pense que c'était un titre intéressant. Casse joue sur plusieurs registres : la casse d'imprimerie, donc le littéraire, la casse, donc la violence, le casse, donc le marginal. Si c'était à refaire, que trouverais-je de mieux ? Je ne vois guère, sauf quelques titres humoristiques, comme la revue du 14 juillet..
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lundi, 12 juin 2006
Casse, dix ans déjà...
Quelques archives de la revue Casse ainsi que des inédits seront progressivement mis en ligne sur ce weblog.
JJN
Nuel à la Casse
Jean-Jacques Nuel stoppe la parution de Casse, une petite revue littéraire d’information et de création qui paie chèrement, comme une entorse à saura-t-on jamais quel protocole, son manque de solennité. Notre apologie maison, pour titiller les tatillons une chtite dernière fois...
Bien que Nuel ne soit prophète qu’en son pays et que Casse coulât les jours tranquilles d’une revue sans-culotte et sans étendard, c’est bien en chef de file qu’elle a fêté sa victoire en 95 contre les décisions arbitraires de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), laquelle refusait borgnement de lui accorder un numéro d’inscription (cf. Casse n° 4 et n° 13-14, éditos), la condamnant ainsi à payer plein pot les services postaux. Comme l’indique Alain Nizet dans L’Écho du Calcre n° 108-109, le jugement du Conseil d’État sanctionnant l’«excès de pouvoir» de la CPPAP dans l’affaire Casse est bon pour faire jurisprudence et intéresse par conséquent tous les revuistes maltraités par cette administration.
Hors de cela, dès son numéro-pilote, Casse propose des textes remarquables (notamment de Gaspard Hons), mais son contenu extra-littéraire, échantillon rapidement prélevé dans la prose du «terroriste de réserve», provoque des prémisses d’irritations hyponasales chez les confraternels revuistes. Nonobstant sa mégalomanie souriante et parfaitement intolérable, cette canaille de Jean-Jacques Nuel divorce de la rébellion ordinaire et voilà qu’au lieu d’apprécier l’hermétisme touffu, au lieu de vomir à toute bride l’honnête homme et ses institutions - exception faite de TF1, restons soi - au lieu de rire de la belle sorte d’une fin du monde annoncée et de sombrer dans l’avant-garde épicière, bref, au lieu de marquer son territoire sur des bases intellectuelles solides, Nuel vote le contre-pied des contre-pieds en usage.
D’humeur saignante envers l’hypersécrétion maniacolittéraire, envers le culte de l’inédit, envers l’insularisme consenti des petites maisons d’édition ou les analyses intellos du genre de celle que vous êtes en train de subir, il se met à critiquer tout ce qui lui déplaît, comme ça, à course de plume, sans demander son reste. Pire, il communique à grand renfort de crobarts pas sérieux et de slogans amphigouriques. En devenant aux yeux de certains le «casseur énervant», le Renaud du revuisme, Nuel finit par étouffer malgré lui les textes qu’il aime, publie et défend dans sa revue. Le style chroniqueur-mitrailleur qui l’avait révélé dans la lointaine revue Esquisse lui colle aux basques comme du chewing-gum au cendrier froid de l’inconscient collectif ; alors même que l’animal cherche à se réfréner, à troquer l’empire des sens contre de fécondes sympathies littéraires. En sont témoins les dernières livraisons de Casse, par exemple le spécial «poésie des Canaries» du n° 19-20.
Ce qui est désespérant et symptomatique, c’est que dans ce qu’on appelle paradoxalement la «mouvance» revuistique, chaque objet est estampillé par la somme des premières impressions qu’il a provoquées. Ensuite, les choses ne bougent plus tellement. La forme d’une revue - et a fortiori d’une revue publiant des textes de création - semble ne pouvoir disposer que d’une marge très faible d’innovation et de conviction intime. Une petite revue qui s’efforce «d’être quelqu’un» tant qu’elle n’est pas institutionnelle, apparaît automatiquement comme une revue prétentieuse. Casse n’était pas une revue aussi prétentieuse qu’elle pouvait en avoir l’air. Elle énervait certains exactement pour les mêmes raisons qu’elle plaisait aux autres: on commençait à bien comprendre ce qui l’inspirait. L’instant charnière, crucial, où l’on devient prévisible... Nuel a renoncé à cet instant-là.
MA
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