jeudi, 12 octobre 2006
Et comme tremble d'exulter, de Gabriel Le Gal (in Casse n° 5)
A la lisière somptueuse
 Il allait avec son amour dans l’automne
 Son si frêle amour
 Elle se serra contre lui un peu plus
 Comme ils entraient
 Dans les couleurs
 
 *
 
 D’avoir pris la neige
 Le temps d’une nuit
 Les champs,
 Cela les réveille
 Cela les révèle
 au ciel aux arbres
 à eux-mêmes
 ils ne se savaient plus si bien dessinés
 (le rang de maïs devenu clôture de bambou)
 
 La route, elle,
 En perdition
 
 Dérobée
 Sous les tourbillons
 
 *
 
 Les champs jaunes près de l’eau bleue
 et les chaumes pointés des maïs
 et l’épaisseur de l’air et l’instant
 les voilà ensemble qui bougent
 les mots aussi s’émeuvent
 (peut-être même que c’est eux qui ont commencé)
 et cela vient au devant s’ajuste se trouve
 jusqu’à l’espace exultant et serré du poème
 (et les champs jaunes avec l’eau bleue
 ici dans les mots fragiles peut-être sont sauvés)
 
 *
 
 Dans la nuit qui est partout
 La nuit un peu plus
 Et si bien gardée
 Des tulipes
 
 *
 
 Cette ardeur des crêtes
 Et tout brûle
 Jusqu’aux vallées les plus hautes
 
 Le vent éclaircit la lumière
 Fouaille les couleurs ; c’est trop
 Il pleuvra demain
 
 Les neiges, leur épaisseur irradie
 
 Dans l’air partout une fièvre d’échange
 Sans qu’on sache ce qui se dit
 
 *
 
 Au long des routes ces coupes de bleu plain
 entre les colzas
 ces offrandes portées
 
 Déjà la ville de là-haut avait été
 pure pierrerie
 pure existence dans le bleu
 
 et cet or maintenant dans nos rues
 cet allant
 la fraîcheur des carènes
 
 *
 
 Ouvrant la fenêtre
 La neige
 La première neige
 (elle a tout son temps)
 Je l’ai saluée
 Comme on salue le printemps
 
 *
 
 Les peupliers encore
 Ce village qu’ils font dans le bleu
 Bonheur à tenir la lumière
 
 A s’en entretenir
 
 *
 
 Et le chat vient se frotter à la pierre tombale
 à la jambe de la femme
 qui arrange les fleurs
 il ne sera pas repoussé
 il est le seul
 à venir jouer ici
 parmi les morts
In Casse n° 5
 
 
 Et comme tremble d’exulter, dont sont extraits ces textes, a été édité en 1988, illustré par des aquarelles de Danièle Crouzet-Robert, chez Alain Paccoud, typographe à Bourg-en-Bresse.

22:15 Publié dans Archives de Casse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Littérature, Culture, Poesie
 
 




Commentaires
Et je recommande la lecture du dernier recueil de Gabriel Legal, "Ainsi va le poème", qui vient de paraître chez Jacques André éditeur.
Écrit par : Christian Cottet-Emard | jeudi, 12 octobre 2006
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