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lundi, 12 juin 2006

Casse, dix ans déjà...

Bientôt dix ans que la revue Casse a cessé sa parution, puisque son dernier numéro (21) date de décembre 1996. Elle n’aura duré que quatre ans. Pour ce presque anniversaire, je republie cet article de Marc Autret, paru dans Ecrire & Editer n° 7 (janvier 1997), qui analysait de manière lucide et précise les raisons de l’arrêt de la publication.
Quelques archives de la revue Casse ainsi que des inédits seront progressivement mis en ligne sur ce weblog.
JJN

 Nuel à la Casse

Jean-Jacques Nuel stoppe la parution de Casse, une petite revue littéraire d’information et de création qui paie chèrement, comme une entorse à saura-t-on jamais quel protocole, son manque de solennité. Notre apologie maison, pour titiller les tatillons une chtite dernière fois...
Bien que Nuel ne soit prophète qu’en son pays et que Casse coulât les jours tranquilles d’une revue sans-culotte et sans étendard, c’est bien en chef de file qu’elle a fêté sa victoire en 95 contre les décisions arbitraires de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), laquelle refusait borgnement de lui accorder un numéro d’inscription (cf. Casse n° 4 et n° 13-14, éditos), la condamnant ainsi à payer plein pot les services postaux. Comme l’indique Alain Nizet dans L’Écho du Calcre n° 108-109, le jugement du Conseil d’État sanctionnant l’«excès de pouvoir» de la CPPAP dans l’affaire Casse est bon pour faire jurisprudence et intéresse par conséquent tous les revuistes maltraités par cette administration.
Hors de cela, dès son numéro-pilote, Casse propose des textes remarquables (notamment de Gaspard Hons), mais son contenu extra-littéraire, échantillon rapidement prélevé dans la prose du «terroriste de réserve», provoque des prémisses d’irritations hyponasales chez les confraternels revuistes. Nonobstant sa mégalomanie souriante et parfaitement intolérable, cette canaille de Jean-Jacques Nuel divorce de la rébellion ordinaire et voilà qu’au lieu d’apprécier l’hermétisme touffu, au lieu de vomir à toute bride l’honnête homme et ses institutions - exception faite de TF1, restons soi - au lieu de rire de la belle sorte d’une fin du monde annoncée et de sombrer dans l’avant-garde épicière, bref, au lieu de marquer son territoire sur des bases intellectuelles solides, Nuel vote le contre-pied des contre-pieds en usage.
D’humeur saignante envers l’hypersécrétion maniacolittéraire, envers le culte de l’inédit, envers l’insularisme consenti des petites maisons d’édition ou les analyses intellos du genre de celle que vous êtes en train de subir, il se met à critiquer tout ce qui lui déplaît, comme ça, à course de plume, sans demander son reste. Pire, il communique à grand renfort de crobarts pas sérieux et de slogans amphigouriques. En devenant aux yeux de certains le «casseur énervant», le Renaud du revuisme, Nuel finit par étouffer malgré lui les textes qu’il aime, publie et défend dans sa revue. Le style chroniqueur-mitrailleur qui l’avait révélé dans la lointaine revue Esquisse lui colle aux basques comme du chewing-gum au cendrier froid de l’inconscient collectif ; alors même que l’animal cherche à se réfréner, à troquer l’empire des sens contre de fécondes sympathies littéraires. En sont témoins les dernières livraisons de Casse, par exemple le spécial «poésie des Canaries» du n° 19-20.
Ce qui est désespérant et symptomatique, c’est que dans ce qu’on appelle paradoxalement la «mouvance» revuistique, chaque objet est estampillé par la somme des premières impressions qu’il a provoquées. Ensuite, les choses ne bougent plus tellement. La forme d’une revue - et a fortiori d’une revue publiant des textes de création - semble ne pouvoir disposer que d’une marge très faible d’innovation et de conviction intime. Une petite revue qui s’efforce «d’être quelqu’un» tant qu’elle n’est pas institutionnelle, apparaît automatiquement comme une revue prétentieuse. Casse n’était pas une revue aussi prétentieuse qu’elle pouvait en avoir l’air. Elle énervait certains exactement pour les mêmes raisons qu’elle plaisait aux autres: on commençait à bien comprendre ce qui l’inspirait. L’instant charnière, crucial, où l’on devient prévisible... Nuel a renoncé à cet instant-là.
MA


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